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Même les sites conspirationnistes les moins sérieux connaissent d'ordinaire l'explication scientifique des hiéroglyphes d'Abydos ressemblant à des engins modernes tels qu'un hélicoptère, un char ou un vaisseau volant. Mais si la plupart des personnes ayant lu les discussions sur ces sujets en conviennent, d'autres dans l'ignorance du contexte et du système hiéroglyphique persistent à croire que ce qui apparaît dans ces bas reliefs aurait été gravé en une seule fois tel quel et serait donc à l'image de ce qui était censé être visible à l'époque.
Cette croyance est possible car la plupart des présentations sur internet ne montrent que ce petit bout, faisant passer à la trappe ce qui est gravé à droite et à gauche. Et aussi parce que certains sites les moins scrupuleux évitent soigneusement d'évoquer la parfaite correspondance de ces formes en apparence étranges à des hiéroglyphes bien connus, et pas n'importe lesquels comme nous allons le voir...
L'une des malhonnêtetés ayant participé à cette tromperie et freiné voire restreint la compréhension de la réalité des internautes vient de la circulation d'une image largement retouchée, changeant complètement le sens de ce qu'on peut voir du bas-relief. Ce sont des parties qui ont été carrément effacées numériquement pour aboutir non seulement à une représentation idéalisée des formes fantasmées, mais aussi à la disparition de ce qui constitue l'intégrité des hiéroglyphes, tordant frauduleusement la réalité pour la faire correspondre à une interprétation qui sans cette fraude se révèle incompatible avec la logique de base.
L'animation ci-dessous rend-compte de ce caviardage et permet la comparaison avec l'aspect réel de ce bas relief :
En effet, avec cette image fausse, l'aspect d'une superposition de formes enchevêtrées disparaît et ce qui était les formes de hiéroglyphes ne correspondaient plus à des hiéroglyphes. Heureusement le site d'Abydos est suffisamment accessible pour que de nombreuses autres photos publiques rendent compte du véritable aspect de ces bas-reliefs pour le grand public.
D'ailleurs c'est ici le moment d'aborder le second point de manipulation : l'absence du contexte et en particulier des bas-reliefs de part et d'autre de ce dont on n'avait montré qu'un extrait. Car en voyant l'intégralité du bas-relief, sans rien connaître ni reconnaître des hiéroglyphes, on constate rapidement que le reste ne représente rien de la sorte sinon un fatras de figures. Le caractère enchevêtré est alors bien visible, ce qui mène immédiatement à admettre qu'il y a eu réécriture et qu'il s'agit donc d'un palimpseste.
Les 2 photos suivantes permettent de voir la suite de ce bas-relief :
http://www.1worldtours.com/Ab-21-web.jpghttp://www.1worldtours.com/Ab-20-web.jpgLes doutes raisonnables se dissipent lorsque l'on prend connaissance des hiéroglyphes de ce bas relief. Ce que l'on voit des hiéroglyphes dans les illustrations ci-dessous est en fait un extrait de la titulature de pharaons généralement composés de 5 noms. Dans la partie gauche à l'intérieur du cartouche (shenou) les hiéroglyphes correspondent à la superposition des noms de couronnement de Séthi 1er et de Ramsès 2. Au centre il s'agit d'une formule signifiant qu'il s'agit du roi des deux terres de Haute et Basse Egypte. A droite c'est le titre Nebty qui constitue un autre des 5 noms propre à chaque pharaon et formant ensemble la titulature royale. Et ces noms de Nebty correspondent là aussi à la superposition de celui de Séthi 1er et de Ramsès 2.
En synthèse voilà ce que cela donne :
Cela se poursuit à droite avec la fin du nom de Nebty de Séthi 1er suivi de son nom d'Horus, avec là aussi en superposition, le nom d'Horus de son fils, Ramsès 2 :
On a donc ici toutes les preuves confirmées se recoupant, indiquant sans plus aucun doute possible que ce bas relief constitue un palimpseste, une réécriture, et qu'un pharaon a fait substituer son nom à celui d'un autre sur cette roche. Ainsi après plus de 3200 ans, les noms d'origine recouverts sont redevenus visibles en superposition avec la titulature du second pharaon, qui est Ramsès 2, le fils de Séthi 1er. Il faut en effet savoir que Ramsès 2 s'est approprié par ce procédé plusieurs temples dont celui-ci.
Nota Bene :
Les hiéroglyphes peuvent s'écrire et se lire dans différents sens, donné par l'orientation des figures et pour un même nom il existe différentes variantes plus ou moins courantes. Dans les exemples suivants, le sens de lecture est inverse de celui du temple d'abydos.
Vous verrez dans le lien ci-dessous les principales manières d'écrire les noms de la titulature de Séthi 1er, et leurs variantes
(Ici, le nom de couronnement (throne name en anglais) sur le temple d'abydos correspond à la manière la plus courante de l'écrire) :
https://pharaoh.se/pharaoh/Seti-IDe même pour Ramsès 2 :
https://pharaoh.se/pharaoh/Ramesses-IILes différentes variantes du nom de Nebty de Séthi 1er :
http://sethy1.free.fr/Sethy32.htmlCelle que nous avons correspond à la dixième en partant d'en haut.
La version du nom de Nebty de Ramsès 2 que nous avons vu est celle que l'on retrouve ici en deuxième, la plus courante des trois (39 occurrences) :
http://sith.huma-num.fr/titulatures/rois/Ramses+IIPour son nom d'Horus, cela correspond à une variante de la formulation la plus longue : Kȝ-nḫt-mry-Mȝʿt-nb-ḥbw-sd-mj-jt⸗f-Ptḥ-Tȝ-ṯnn
Quant au nom d'Horus de Séthi 1er, le nom d'Horus est : Kȝ-nḫt-ḫʿ-m-Wȝst-sʿnḫ-Tȝwy
C'est la formulation avec le plus d’occurrences :
http://sith.huma-num.fr/titulatures/rois/Sethi+Ier